[Minute juridique] Pleine propriété, nue-propriété, usufruit... Les clés pour comprendre enfin

18/12/2022

Pleine propriété, nue-propriété, usufruit… ces termes qui paraissent compliqués ne le sont finalement pas tant que ça. La différence tient en fait aux droits plus ou moins importants sur un bien. Tout simplement. Et comme il est essentiel d’en connaître les définitions, en particulier en cas de succession ou de donation, on vous explique tout.

La propriété, qu’est-ce que cela concerne ?

La notion de propriété s’applique tant aux biens meubles qu’aux biens immeubles :

  • Les biens meubles sont les biens meubles corporels, i.e. tangibles, concrets, qui peuvent être déplacés, tels qu’une voiture, un ordinateur ou un animal, mais également les biens meubles incorporels tels que des titres (les actions d’une entreprise par exemple), une clientèle, ou encore un droit à la propriété intellectuelle…
  • Les biens immeubles sont des meubles qui ne peuvent être déplacés, comme les bâtiments par exemple, mais également leurs accessoires, tels que les tuyaux reliés à ce bâtiment, les terres agricoles autour… Certains droits sont également des biens immobiliers comme une hypothèque par exemple.

Comment avoir la propriété d’un bien ?

La propriété s’acquiert de plusieurs manières :

  • Par un contrat : la conclusion d’un contrat peut permettre de transmettre la propriété. Ce contrat peur être de différentes formes et le transfert de propriété peut se faire à titre gratuit ou onéreux.
  • Par une succession : la propriété d’un bien peut être transmise par voie successorale.
  • Par la prescription acquisitive : la propriété d’un bien peut s’acquérir enfin par le fait de posséder ce bien sans pour autant en détenir le titre. Les conditions sont bien entendu très spécifiques. (1)

Quelles sont les composantes de la propriété ?

Le droit de propriété est composé de trois différentes notions : l’usus, le fructus et l’abusus.

L’usus, c’est le droit d’user, autrement dit d’utiliser la chose. Exemple : habiter dans une maison

Le fructus, c’est le droit de percevoir les fruits de la chose. Exemple : louer une maison et en percevoir les loyers.

A elles deux, ces notions représentent l’usufruit.


L’abusus, c’est le droit de disposer de la chose. Cela comprend notamment le droit de détruire (ex : consommer) ou de transférer la propriété la chose (ex : vendre, léguer, échanger). L’abusus est sans doute l’un des droits les plus importants des droits de propriété. Il est en effet soumis à une protection particulière. Selon l’article 545 du Code civil : « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »


L’abusus représente la nue-propriété. L’usufruit et la nue-propriété réunies forment la pleine propriété.

Schema

Tableau récapitulatif

Les attributs du droit de propriété (occuper un bien, le vendre, en percevoir les revenus) peuvent être répartis entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. On parle dans ce cas de démembrement du droit de propriété : on vous en dit plus très prochainement.

Quelques exemples :


Vous souhaitez aider vos enfants, en leur permettant d’être logés ou d’avoir des revenus complémentaires ? Si vous êtes propriétaire d’un studio vous pouvez en donner l’usufruit à vos enfants qui peuvent alors - Soit habiter le logement et payer la taxe d’habitation et la taxe foncière (2) - Soit louer le logement et en percevoir les loyers. La taxe d’habitation sera payée par le locataire, et vos enfants seront imposés sur le revenu des loyers qu’ils percevront.

Vous souhaitez transmettre votre patrimoine ? Si vous êtes propriétaire d’un bien, vous pouvez en donner la nue-propriété à vos enfants et en conserver l’usufruit. Si c’est un bien immobilier, vous pouvez continuer d’y habiter ou de le louer et d’en percevoir les loyers. Cette opération est avantageuse fiscalement car les droits de donation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété (différente de la valeur totale du bien et qui dépend de l’âge de l’usufruitier) et lorsque l’usufruit s’éteint, aucun droit ne sera dû au moment de la reconstitution de la pleine propriété.

Vous souhaitez assurer votre succession ? Au décès de votre conjoint, vous pouvez récupérer l'usufruit de l'actif de la succession (patrimoine immobilier et mobilier) et donner la nue-propriété à vos enfants. Les droits que vous devrez payer sur la succession dépendront de l'âge de l'usufruitier selon un barème progressif. Attention, le conjoint survivant (dans le cadre d’un mariage ou le partenaire survivant (dans le cadre d’un PACS avec testament) est exonéré totalement du paiement de droits de succession.

Attention : une personne peut détenir l’ensemble de ces trois composantes mais pour autant partager la chose avec d’autres personnes. On parle alors d’indivision : plusieurs personnes ont les mêmes droits sur un même bien.

Zoom sur l'usufruit

L’usufruit, c’est le droit de jouir d’un bien et d’en percevoir les revenus, sans en être propriétaire, et à condition d’en assurer la conservation, i.e. de l’entretenir.

Vous pouvez être usufruitier dans l’une de ces situations :

  • Si vous êtes parents, vous avez l’usufruit sur les biens de vos enfants âgés de moins de 16 ans. Vos enfants sont les nus propriétaires des biens.
  • Si vous êtes veuf ou veuve, vous recevez le patrimoine de votre époux ou épouse décédé(e) en usufruit. Les enfants du défunt deviennent nus propriétaires des biens. Il est possible de bénéficier d’un usufruit par testament ou par contrat (vente ou donation d’un droit d’usufruit).

L’usufruitier a des droits et obligations. Le droit à l’usufruit est temporaire. Il peut être aussi viager.

Un point à retenir : Suite à un décès, les héritiers qui recueillent un bien en nue-propriété (et non en pleine propriété), peuvent demander à ce que le paiement des droits de succession soit différé. C’est le cas par exemple si le conjoint survivant du défunt conserve l’usufruit. Les droits seront alors dus au plus tard six mois après la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété (par exemple au décès du conjoint usufruitier) ou la vente du bien ; durant le différé de paiement, l’administration fiscale accorde un crédit aux héritiers qui peuvent :

  • soit payer à terme ces droits calculés sur la nue-propriété, après avoir réglé, chaque année de différé, un intérêt calculé sur les droits de succession (ce taux s’élevait à 1,2% pour une demande en 2022)
  • soit payer à l’issue du différé, les droits de succession calculés comme s’ils avaient recueilli la pleine propriété. Notez que cette option peut être intéressante si le décès de l’usufruitier intervient de nombreuses années après et que le bien a pris de la valeur. Dans ce cas, aucun intérêt n’est dû au Trésor public.

(1) La prescription acquisitive c’est la durée de détention/usage à partir de laquelle une personne est réputée définitivement propriétaire d’un bien, sans en avoir fait l’acquisition. En d’autres termes, une personne qui use d’un bien, sans en être propriétaire pendant une durée de 30 ans, et que les tiers considèrent propriétaire du bien, devient alors propriétaire du bien. Exemple : Un bien immobilier est laissé à l’abandon et aucune personne n'en manifeste la propriété. Monsieur X prend en charge la rénovation du bâtiment et habite le bien pendant 30 ans. Il devient alors plein propriétaire à partir de ce délai. Remarque : Ce délai de 30 ans peut être ramené à 10 ans si Monsieur X est un possesseur de bonne foi, i.e. s'il croit avoir acquis la propriété auprès du véritable propriétaire.

(2) Il est possible de prévoir, par l’intermédiaire d’une convention que le nu-propriétaire prendra à sa charge le paiement de la taxe foncière.

Crédit photo : Samer Daboul