[Minute juridique] Le démembrement ou comment optimiser sa fiscalité, maitriser son patrimoine et préparer sa retraite (pas moins !)

19/01/2023

Cessons de penser au démembrement comme une fatalité ! Généralement subie car s’imposant souvent à la suite d’une succession, cette technique recèle de nombreux avantages, le principal avantage étant de réduire les coûts fiscaux.

Dans un précédent article nous vous avons présenté le concept de propriété et défini les termes rattachés tels que pleine propriété, nue-propriété, usufruit… Il existe trois sous-catégories de droit reconnu à un propriétaire : un droit à l’usage (l’usus), un droit sur les revenus générés par la chose (le fructus), et un droit de disposer de la chose (l’abusus). Cette décomposition de la propriété en trois droits différents permet de démembrer la propriété : un individu peut alors disposer d’un droit et non des autres. On parlera alors d’usufruitier et de nu-propriétaire.

L’usufruitier dispose donc d’un droit de jouissance sur le bien immobilier : il peut par exemple le mettre en location pour en tirer des revenus, ou y vivre. Le nu-propriétaire dispose lui simplement de l’abusus, i.e. le droit de vendre le bien, de le modifier voire de le détruire. L’usufruit peut être accordé pour une durée déterminée, on parlera alors d’usufruit temporaire, ou encore en viager, i.e. jusqu’à la mort de l’usufruitier.

Le principe du démembrement de propriété consiste à diviser la pleine propriété d’un bien immobilier en deux parties : la nue-propriété et l’usufruit.

Le démembrement de propriété peut être appliqué sur de nombreux biens : biens immobiliers, parts de SCPI, contrats d’assurance-vie, compte-titre...

Prenons l’exemple d’une personne qui n’a pas besoin de revenus complémentaires immédiat mais qui souhaite se constituer un capital à terme (pour financer les études de ses enfants par exemple). Cette personne va acquérir la nue-propriété de parts de SCPI. En contrepartie d’une période définie (démembrement temporaire) durant laquelle elle ne va pas percevoir les revenus de la propriété, elle va bénéficier d’un prix d’acquisition réduit. A l’issue de la période définie, l’investisseur (nu-propriétaire) devient plein propriétaire des parts de SCPI et en perçoit la totalité des revenus. En complément, il pourra bénéficier de l’augmentation potentielle du prix de la part et des éventuelles plus-values en cas de cessions d’immeubles. INTERET : éviter une imposition sur les revenus de la SCPI, pas d’impôt à l’IFI, durée flexible.

Une personne peut recevoir l’usufruit ou la nue-propriété d’un bien en donation (donateur vivant ou décédé)

Prenons l’exemple d’une personne âgée qui souhaite transmettre un bien immobilier à son fils et sa petite fille. Elle peut prévoir, par voie testamentaire, de donner l’usufruit de son bien à son fils, et la nue-propriété à sa petite fille. Ainsi, son fils pourra utiliser le bien immobilier (l’habiter ou le louer) jusqu’à son propre décès, mais ne pourra cependant pas le vendre afin d’en récolter les sommes. Au décès du fils, l’usufruit rejoint la nue-propriété et la petite fille deviendra immédiatement pleine propriétaire du bien (hors succession du fils).

A l’issue du démembrement, l’usufruit retourne dans le patrimoine du propriétaire : on parle de remembrement de propriété.

Quel est l’intérêt du démembrement ?

  • L’avantage premier du démembrement est l’anticipation successorale et fiscale Comme la majorité d’entre vous le sait déjà, il est possible de préparer sa succession en donnant de son vivant la nue-propriété d’un bien à ses enfants et en conserver l’usufruit. Ainsi, la personne pourra continuer à vivre dans le bien ou à le louer, tout en décidant à qui ce patrimoine sera transmis d’une part, mais également profiter d’avantages fiscaux. En effet, - et ça, probablement que vous ne le saviez pas :) - les droits de donations sont réduits pour les biens démembrés : ils ne sont pas calculés sur la valeur totale du bien, mais sur un pourcentage en fonction de l’âge du donateur (qui restera usufruitier).

Le démembrement réduit donc considérablement les droits de succession. Au décès du donateur (usufruitier), les enfants (nus-propriétaires) deviennent pleins propriétaires du bien, sans avoir de droits supplémentaires à payer.

Notons que pour les couples, qu’ils soient en concubinage, pacsés ou mariés, la solution peut consister en un démembrement de propriété croisé : chacun se partage alors l’usufruit et la nue-propriété du bien concerné. Au décès de l’un des conjoints, le démembrement de propriété croisé va permettre au conjoint survivant de bénéficier de l’intégralité de l’usufruit. Cela peut lui permettre de continuer à vivre sur place ou d’éventuellement mettre le bien immobilier en location.

  • Le mécanisme du démembrement permet également à toute personne de se constituer un patrimoine Le patrimoine prend de la valeur à terme, sans pour autant être imposé à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur la fortune immobilière. En effet, la détention de parts d’un bien en nue-propriété (bien immobilier ou SCPI) ne produit pas de revenus, donc pas d’impôt sur le revenu. Quant à l’IFI, c’est à l’usufruitier qu’il appartient de déclarer ce patrimoine le cas échéant.
  • Le démembrement permet de réduire l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) de manière temporaire Il peut être en effet intéressant pour certaines personnes soumises à l’IFI, de réaliser une donation temporaire d’usufruit au profit de l’un de ses proches. Ce mécanisme consiste à transmettre l’usufruit d’un bien sur une période donnée. De cette manière, la personne conserve la nue-propriété, aide un proche en lui donnant l’usufruit d’un bien, et sort le bien en question de sa base imposable à l’IFI. Les droits de mutation en cas de donation temporaire sont également réduits. A l’issue de la période, le nu-propriétaire redevient de droit plein propriétaire du bien. Ce processus est cependant à manipuler avec précaution afin de ne pas être requalifié par l’administration fiscale. L’opération ne doit pas être effectuée dans le seul but de ne plus payer d’impôt sur la fortune immobilière.
  • L’intérêt majeur du démembrement immobilier réside dans la fiscalité applicable En effet, la valeur fiscale d’un bien immobilier démembré est inférieure à la valeur vénale (prix du marché) d’un bien en pleine propriété. Cette valeur fiscale dépend du type de démembrement : temporaire ou viager.

Pourquoi acheter en démembrement ?

Pour optimiser sa fiscalité et préparer sa retraite ! Comment ? on vous explique :

  • Acheter en nue-propriété permet de payer le bien moins cher, une décote étant appliquée sur la valeur vénale du bien. Devenir propriétaire à moindre coût, n’est-ce pas le rêve de tous !?
  • Pendant la période du démembrement, le nu-propriétaire n’a pas de charges à payer : tous les travaux d’entretien du bien sont à la charge de l’usufruitier (les parties privatives et les parties communes si le logement est en copropriété). Le nu-propriétaire est totalement libéré de la gestion du bien qui incombe à l’usufruitier et il ne subit pas d’aléa locatif. Seules les grosses réparations sont à sa charge (article 606 du Code civil) ; elles sont a priori peu probables si la construction est récente.(1)
  • Le nu-propriétaire ne paie pas d’impôts. Comme il ne perçoit pas de loyer, il ne supporte aucune fiscalité supplémentaire au titre de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ; il n’est pas non plus soumis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) puisque le bien n’intègre pas son patrimoine immobilier. Enfin il n’a pas à régler les taxes foncières qui sont à la charge de l’usufruitier.
  • En cas d’acquisition à crédit, le nu-propriétaire peut déduire les intérêts d’emprunt de ses éventuels autres revenus fonciers si l’usufruit est un bailleur social ou un bailleur imposable sur le revenu.
  • Il permet d’assurer des revenus complémentaires à la retraite : si, par exemple, vous achetez un bien démembré pour une durée de vingt ans à l’âge de 45 ans, vous récupérez sa pleine propriété à 65 ans et pouvez alors le louer. Vous pouvez aussi bien entendu le vendre pour obtenir un capital-retraite dans lequel vous puiserez en fonction de vos besoins.
  • Enfin, transmettre la nue-propriété à vos héritiers vous permet de réduire l’assiette de calcul des droits de donation et pouvez ainsi optimiser les abattements fiscaux renouvelables tous les 15 ans.

Vous voulez en savoir plus ? N’hésitez pas à nous contacter !

(1) Attention, la répartition des charges entre usufruitier et nu-propriétaire diffère selon que le démembrement résulte d’une donation ou d’un décès. Si le démembrement résulte d’une donation, l’usufruitier supporte l’intégralité des charges, qu’elles concernent l’entretien du bien ou les grosses réparations. En revanche, suite au décès d’un conjoint, si le survivant récupère l’usufruit d’un bien immobilier, il n’a alors à assumer que les charges courantes.

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Sources : La fiscalité et le fonctionnement du démembrement immobilier - Publié le 15 avril 2021. Disponible sur https://www.hellopret.fr/investissement-locatif/demembrement-immobilier/

Crédit photo : Samer Daboul